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Archives didactiques d’étude du milieu
Histoire du programme d’étude du milieu : Documents
D’où est venue l’idée de créer un cours intitulé « étude du milieu » ?
Quelles difficultés sa mise en œuvre a-t-elle rencontrées ?
Qui a rédigé le programme actuellement en usage ?
L’étude
du
milieu
est
un
produit
des
mutations
de
l’enseignement
secondaire
de
la
deuxième
moitié
du
XX
e
siècle.
Dès
les
années
1950,
la
quasi-totalité
des
élèves
poursuivent
des
études
après
l’école
primaire.
Ils
ont
alors
le
choix
entre
plusieurs
filières :
huma
-
nités
anciennes,
humanités
modernes,
enseignement
technique,
enseignement
professionnel.
Le
choix
dépend
beaucoup
du
statut
socio-économique
des
parents.
Bénéficiant
de
l’amélioration
géné
-
rale
des
revenus
et
des
conditions
de
vie,
une
majorité
de
per
-
sonnes
considèrent
qu’elles
appartiennent
désormais
à
la
classe
moyenne
et
partagent
l’idée
que
toutes
les
filières
d’enseignement
doivent
au
minimum
fournir
à
leurs
enfants
un
diplôme
équivalent
(1964) ou, mieux encore, faire place à un cursus commun (1969).
Dans
ce
contexte,
les
cours
d’histoire
et
de
géographie
sont
à
re
-
penser,
car
ils
répondent
mal
aux
besoins
d’un
public
élargi.
En
his
-
toire,
par
exemple,
la
matière
du
cycle
inférieur
est
toujours
celle
de
l’époque
où
le
cours
était
l’auxiliaire
des
études
classiques
et
de
l’ap
-
prentissage du latin et du grec.
Le
secondaire
dit
«
rénové
»,
qui
répond
à
cette
demande
de
« tronc
commun »,
démarre
dans
les
écoles
pionnières
en
septembre
1969,
essentiellement
des
écoles
de
l’enseignement
de
l’État.
L’enseigne
-
ment
libre
catholique
est
plus
hésitant
et
le
gros
des
établissements
attendent
la
fin
des
années
1970
pour
adopter
la
nouvelle
organisa
-
tion
des
études.
C’est
à
ce
moment
qu’est
créé
le
cours
d’étude
du
milieu.
Le secondaire dit « rénové »
Trois cours en un
Sans
nier
la
part
d’utopie
pédagogique
qui
préside
à
cette
création,
il
faut
tenir
compte
des
circonstances.
En
1979,
l’enseignement
se
-
condaire
rénové
a
dix
ans.
Conçu
dans
l’enthousiasme
des
« Golden
Sixties »,
il
commence
à
montrer
ses
limites.
En
raison
du
nombre
et
de
la
diversité
des
cours
à
option,
il
est
malaisé
à
organiser,
ses
horaires
sont
surchargés
et
il
est
dispendieux
alors
que
les
déficits
publics
augmentent
et
qu’on
commence
à
parler
d’économies
bud
-
gétaires et même d’austérité…
À
ce
moment,
dans
l’enseignement
secondaire
général
libre
catho
-
lique,
il
existe
en
première
année
trois
cours
de
sciences
humaines
:
histoire
(deux
périodes
hebdomadaires),
géographie
(une
période)
et
initiation
à
la
vie
sociale
(cours
de
création
récente,
une
période).
L’idée
fait
son
chemin
de
tirer
parti
des
circonstances
pour
fusion
-
ner
ces
trois
cours
en
un
seul
et
réduire
l’ensemble
à
trois
périodes
hebdomadaires
au
lieu
de
quatre.
Cette
réduction
horaire
et
les
économies
de
personnel
et
de
moyens
qui
l’accompagnent
n’ont
évidemment
qu’un
rôle
conjoncturel
dans
la
création
du
cours
d’étude
du
milieu.
Elles
sont
une
occasion
de
développer
l’interdisciplinarité.
De l’éveil à l’étude du milieu
En
créant
un
cours
d’étude
du
milieu,
il
n’est
pas
douteux
que
l’in
-
tention
des
auteurs
est
de
prolonger
en
début
d’école
secondaire
la
voie
ouverte
depuis
les
années
1930
par
les
leçons
d’éveil
d’école
primaire. Du reste, des contacts sont pris avec les représentants des
branches
scientifiques
pour
évaluer
la
possibilité
d’un
programme
commun,
à
l’image
précisément
du
primaire
où
l’éveil
associe
les
sciences
naturelles
à
l’histoire
et
à
la
géographie.
Le
projet
n’aboutit
pas.
Un
indice
de
cette
volonté
de
jeter
des
ponts
en
direction
de
l’école
primaire
transparaît
déjà
dans
le
programme
d’histoire
de
1971.
Avant
d’aborder
l’étude
des
civilisations
orientales
et
méditerra
-
néennes
antiques,
le
premier
mois
de
l’année
scolaire
est
consacré
à
familiariser
les
élèves
avec
les
techniques
d’enquête
des
histo
-
riens
en
les
appliquant
au
«
milieu
de
vie
»,
à
savoir
le
lieu
où
se
situe
l’école.
Un
des
exemples
fournis
suggère
de
remonter
le
temps
jusqu’à
la
génération
des
grands-parents
avant
d’en
revenir
à
l’ordre
chronologique
traditionnel.
C’est
un
premier
essai
d’ap
-
proche
rétrospective
du
passé.
C’est
aussi,
indirectement,
une
pre
-
mière
tentative
de
mise
en
évidence
des
« apports
de
passé »
aux
manières de vivre et de penser actuelles.
Valses-hésitations
Le
lancement
d’un
cours
unifiant
histoire,
géographie
et
sciences
sociales
n’est
pas
chose
aisée
:
quel
intitulé
lui
donner,
faut-il
en
faire
un
cours
interdisciplinaire
ou
un
cours
intégré,
quels
sont
les
titres
requis
pour
l’enseigner,
doit-il
être
pris
en
charge
par
un
seul
ou
plusieurs
professeurs,
quid
de
la
formation
initiale
et
de
la
for
-
mation
continuée
de
ceux-ci,
quels
doivent
être
les
contenus
et
les
méthodes spécifiques de ce cours, etc. ?
Une
commission
de
programme
d’une
dizaine
de
personnes
est
réunie
en
urgence
début
1979.
Elle
regroupe
des
géographes,
des
historiens
et
des
socio-économistes
qui
font
ce
qu’ils
peuvent
dans
des
délais
impossibles.
En
septembre,
les
professeurs
de
première
année
secondaire
sont
priés,
sans
préavis
ni
préparation,
de
donner
un
cours
appelé
provisoirement
« étude
du
milieu »
à
la
place
des
cours
d’histoire,
géographie
et
initiation
à
la
vie
sociale.
Pour
toute
aide,
ils
reçoivent
un
brouillon
de
programme,
présenté
comme
« expérimental »
qui
manie
un
certain
nombre
de
concepts
nou
-
veaux et où l’apprentissage de savoir-faire prédomine.
Cette
précipitation
pèse
lourd
sur
l’avenir
du
cours
qui,
pendant
25
ans,
tâtonne,
hésite
et
se
cherche.
Pendant
25
ans,
chaque
fin
d’année
scolaire,
le
bruit
circule
dans
les
écoles
que
l’étude
du
mi
-
lieu,
c’est
fini,
que
l’an
prochain
on
en
revient
à
l’histoire
et
à
la
géo
-
graphie, ce qui entretient un climat d’expectative dommageable.
Très
vite,
des
pressions
sont
exercées
pour
qu’on
réécrive
le
pro
-
gramme
en
lui
donnant
plus
de
consistance
culturelle
et,
pour
cela,
qu’on
y
réintroduise
des
éléments
des
anciens
cours
d’histoire
et
de
géographie.
C’est
ainsi
qu’en
1988,
dans
la
nouvelle
mouture
du
programme,
on
voit
réapparaître
l’Égypte
pharaonique
(Thèbes
sous
la
XVIIIe
dynastie)
et
la
Grèce
antique
(Athènes
au
siècle
de
Périclès) parmi les objets d’étude de deuxième année.
Un intitulé plurivoque
Revenons
à
l’intitulé.
En
1979,
les
membres
de
la
commission
du
programme
hésitent
sur
la
dénomination
« étude
du
milieu ».
Ils
savent
que
les
trois
mots
sont
plurivoques.
« Étude »
:
les
maîtres
vont-ils
l’entendre
au
sens
scolaire
ou
au
sens
scientifique,
au
sens
de
description
ou
au
sens
d’investigation ?
« Du » :
veut-on
dire
uni
-
versel,
ou
aire
de
civilisation,
ou
endroit
précis ?
« Milieu » :
est-ce
une
totalité,
une
série
de
lieux
organiquement
liés
entre
eux,
un
es
-
pace
circonscrit ?
Ne
faut-il
pas
employer
le
pluriel
et
dire
« études
de
milieux »
?
Etc.
Au
fil
du
temps,
il
y
aura
beaucoup
de
discussions
fort
intéressantes
sur
le
sujet,
relancées
à
chaque
modification
du
programme
du
cours,
mais
sans
jamais
trouver
un
accord
sur
un
énoncé univoque.
L’absence de contenu spécifique et à référence culturelle
La
faiblesse
principale
de
l’étude
du
milieu
est
cependant
ailleurs.
Jusqu’en
2008,
le
cours
pèche
par
la
pauvreté
des
contenus
à
réfé
-
rence
culturelle.
Les
connaissances
factuelles
sont
souvent
anecdo
-
tiques.
Elles
sont
au
service
des
connaissances
instrumentales
et
n’ont qu’un intérêt secondaire.
Depuis
les
années
1950,
la
modernisation
de
l’enseignement
vise
presque
exclusivement
les
méthodes,
où
il
existe
un
terrain
d’en
-
tente,
pas
les
contenus,
où
les
courants
d’opinion
s’affrontent.
Dès
la
fin
des
années
1960,
la
transmission
des
connaissances
n’est
plus
prioritaire.
L’enseignement
magistral
est
décrié.
Les
méthodes
dites
« actives »
sont
promues.
Les
élèves
doivent
construire
eux-mêmes
leurs savoirs.
Le
cours
d’étude
du
milieu
est
à
cet
égard
un
laboratoire.
Les
pro
-
fesseurs
constatent
que
les
contenus
traditionnels
d’histoire
et
de
géographie
sont
largement
inadéquats.
Ils
les
négligent
peu
à
peu.
Le
cours
devient
une
suite
d’apprentissages
de
savoir-faire :
obser
-
ver
un
paysage,
décrire
un
habitat,
analyser
une
carte
(actuelle
ou
ancienne),
lire
un
graphique,
fabriquer
une
ligne
du
temps,
etc.
Les
manuels
prennent
l’aspect
de
recueils
de
documents
accompagnés
de
grilles
de
lecture
et
d’exercices
d’acquisition
de
« techniques
».
Les
savoirs
sont
réduits
à
quelques
éléments
de
mise
en
contexte.
Leur
portée
culturelle
s’avère
faible
et
leur
utilité
citoyenne
encore
plus.
Ces
pratiques
se
renforcent
au
début
des
années
2000
lorsque
s’impose
la
pédagogie
des
compétences,
que
d’aucuns
confondent
avec les savoir-faire.
Une définition du milieu centrée sur les manières de vivre et de penser
Dès
la
publication
de
la
deuxième
version
du
programme,
en
1988,
les
autorités
responsables
enregistrent
une
recrudescence
des
plaintes.
Elles
décident
d’organiser
une
enquête
auprès
d’un
échan
-
tillon
représentatif
de
praticiens.
Le
document
de
synthèse
(Jean-
Paul
RAPAILLE,
Étude
du
milieu.
Rapport
d'enquête
,
Bruxelles,
Service
Recherche
et
Développement
pédagogique
du
Secrétariat
général
de
l'Enseignement
catholique,
1997)
analyse
méticuleusement
les
résultats,
qui
sont
sans
appel
:
privé
de
contenus
à
référence
cultu
-
relle, le cours est dépourvu de légitimité, même auprès des élèves.
Pourtant,
à
l’automne
1999,
lorsqu’un
groupe
à
tâche
est
constitué
pour
adapter
le
programme
de
1988
aux
exigences
des
Socles
de
compétences
(document
publié
quelques
mois
plus
tôt
par
le
Ministère
de
l’Enseignement
de
la
Fédération
Wallonie-Bruxelles),
cette urgence est une nouvelle fois repoussée.
Durant
les
trois
années
qui
suivent,
une
réflexion
sérieuse,
approfondie
et
fructueuse
sur
les
contenus
culturels
spécifiques
de
l’étude
du
milieu
prend
forme
à
travers
les
séances
de
formation
continuée
des
professeurs
et
les
ateliers
de
formation
pratique
des
étudiants
de
l’enseignement
supérieur
pédagogique.
Cette
réflexion
débouche
en
2004
sur
la
publication
par
une
équipe
multidisciplinaire
d’un
ouvrage
de
référence
pionnier
Des
hommes
et
des
milieux
de
vie
.
La
même
réflexion
préside
en
2005
la
rédaction
d’un
texte
majeur :
Conseils
et
suggestions
pour
interpréter
et
mettre
en
œuvre
le
programme
d’étude
du
milieu
.
Ce
document
ne
sera
pas
publié,
car
entre-temps
il
est
décidé
de
remettre
le
programme
sur
le
métier.
Il
servira
de
fondement
à
la
nouvelle
version, celle de 2008.
On
assiste
alors
à
une
révolution
copernicienne.
Les
milieux
ne
sont
plus
étudiés
pour
eux-mêmes,
sous
forme
monographique
et
prin
-
cipalement
pour
acquérir
des
savoir-faire.
La
priorité
est
donnée
à
la
recherche
des
réponses
aux
questions
que
pose
la
compréhen
-
sion
des
manières
de
vivre
et
de
penser
des
hommes
et
des
femmes
d’aujourd’hui
dans
le
milieu
défini
au
sens
large.
Quant
à
l’approche
temporelle,
sa
démarche
d’investigation
est
rétrospec
-
tive.
Elle
s’intéresse
aux
« apports
décisifs
du
passé »
aux
conditions
de vie actuelles et non au passé pour lui-même.
L’écriture du programme de 2009
Le
programme
actuellement
en
usage
est
une
réécriture
du
pro
-
gramme
de
2000
enrichie
par
les
résultats
des
recherches
et
ré
-
flexions
menées
durant
les
années
2001-2005
autour
de
la
question
des
contenus
à
référence
culturelle.
Il
n’est
pas
l’œuvre
d’un
« groupe
à
tâche
»
comme
les
précédents.
Il
est
rédigé
par
une
per
-
sonne
mandatée
par
les
autorités
compétentes.
Le
brouillon
est
soumis
à
un
ensemble
de
« relecteurs »
et
amendé
à
plusieurs
re
-
prises.
Ces
lecteurs
sont
les
conseillers
pédagogiques
d’étude
du
milieu,
des
experts
universitaires,
des
professeurs
d’école
normale,
des
praticiens,
etc.
Le
but
n’est
pas
de
concevoir
un
nouveau
pro
-
gramme,
mais
de
corriger
les
faiblesses
du
précédent
qui,
rappe
-
lons-le,
a
été
rédigé
à
la
hâte
pour
répondre
aux
exigences
des
Socles
de
compétences
et,
pour
cette
raison,
a
fait
l’impasse
sur
les
contenus à référence culturelle.
La
réécriture
de
2007-2008
«
sauve
la
vie
»
au
cours
d’étude
du
mi
-
lieu.
Le
1
er
juin
2005
en
effet,
le
Secrétariat
général
de
l’Enseignement
secondaire
catholique
diffuse
une
note
suggérant
de
remplacer
le
cours
d’étude
du
milieu
par
un
cours
de
«
formation
humaine
».
Les
arguments
avancés
mettent
bien
en
évidence
la
principale
déficience
structurelle
du
cours :
l’absence
de
contenus
« patrimoniaux
».
Personne
ne
conteste
l’argumentation,
mais
nom
-
breux
sont
ceux
qui
refusent
la
disparition
de
l’étude
du
milieu
au
moment
même
où
un
contenu
spécifique
et
substantiel
est
en
voie
d’élaboration à travers les recherches, travaux et publications.